Anderson Silva: Hommage à un règne incomparable!

Ce week-end, nous allons assister à un gala UFC qui ne sera pas comme les autres, l’UFC Fight Night 181. Rien d’extraordinaire dans ce titre me direz-vous. Pourtant, il va l’être, bien plus que la plupart des Fight Nights précédentes, et que bon nombre de pay-per-views de ces dernières années. Ce week-end, nous verrons pour la dernière fois le grand ANDERSON SILVA dans l’octogone. Et comme on dit, à circonstance exceptionnelle… Cet article va donc être différent de ceux que nous vous proposons habituellement. Plus long, plus détaillé, avec des vidéos en supplément… « The Spider » le mérite. 

Pour les aficionados de longue date, ce nom n’est plus à présenter. Sa légende et ce qu’il représente non plus. Mais pour les nouveaux fans, il est important de revenir sur cet homme, sa carrière, et ce qu’il a accompli durant presqu’une décennie. Vous comprendrez alors facilement que le débat sur le « meilleur combattant de l’histoire » est tant vague, tant subjectif. Anderson a pendant presque 10 ans été dans la balance avec Fedor Emelianenko, alors qu’aujourd’hui, ni l’un ni l’autre n’est un minimum cité…

Certes, une fois déchu, le roi d’une époque enchaînera les résultats moyens, pour ne pas dire pire. Depuis sa chute, Silva n’a offert qu’une victoire, six défaites et un no contest (pour dopage). Mais n’oublions pas qu’il avait déjà 38 ans lors de la perte de sa ceinture, ainsi que ses 15 ans de carrière professionnelle dont la dernière moitié au top de tous les sommets. On parle là des sept années qui ont suivi (38-45 ans). Ce n’est pas le but de cet article. Tout ceci ne peut rien enlever à ce qu’il a accompli avant. Car oui, avant cela, il n’y avait que peu de doutes concernant le meilleur combattant du monde. Hormis Georges St-Pierre, majoritairement positionné proche numéro deux dans la presse internationale. La période « Anderson Silva est le champion incontesté » a duré et a rarement été contestée. Elle est même encore rarement égalée de nos jours. Voici donc pourquoi faire ce long article nous paraissait important, au crépuscule de sa carrière.

Anderson Silva arrive à l’UFC en 2006, sans être un inconnu. Sa carrière au PRIDE FC et d’autres organisations de par le monde lui a déjà permis de se faire un nom ou mieux, la réputation d’un combattant fantasque. Le premier moment glorieux de sa carrière (du moins médiatiquement) se déroulera au PRIDE, avec une impressionnante victoire par KO sur Carlos Newton (via coup de genou sauté), alors ancien champion de l’UFC. Le côté « people » émergeant dans ce sport à cette époque (nous sommes en 2003) rajoutera à sa popularité naissante l’imitation de Michael Jackson au milieu du ring après cette victoire…

Ce qui est déjà certain, c’est que le combattant est atypique. Professionnel depuis 1997, son précédent parcours n’est pas constitué de championnats mondiaux en JJB, Lutte ou Kickboxing comme la plupart de ses congénères. Non, Silva a un passif dans le Taekwondo, le Muay-thaï et la Capoeira, et seulement au niveau local, au mieux national. Ce n’est que plus tard qu’il ajoutera à sa panoplie une ceinture noire de JJB sous la direction des frères Nogueira. 

Le 28 juin 2006, son premier combat dans la firme du Nevada se déroule face à Chris Leben. L’américain n’est pas une star, ni un combattant de renom, mais il est populaire pour deux raisons. D’une part, il a participé à l’émission « The Ultimate Fighter » qui à l’époque faisait office de vitrine de l’UFC. Il était donc un combattant mis en avant pour cela, au delà de ses qualités sportives. D’autre part, il était connu et reconnu pour avoir un menton solide, capable d’encaisser les plus gros coups, tout en pouvant répondre plus fort derrière. Mais cela ne suffira pas ce soir-là.

 

Pour sa seconde apparition sous la bannière américaine (en octobre 2006), le brésilien fait face à Rich franklin, le champion en titre possédant une fiche de 22-1 et étant sur une série de 7 victoires consécutives (le record de l’époque dans la division). La candidature de Silva pour l’affronter semble alors légèrement prématurée, lui qui affichait un palmarès de 18-4 mais seulement 1-0 à l’UFC. La suite se passera de commentaire…

 

Anderson Silva devient ainsi le nouveau champion des poids moyens de l’UFC et gardera par la suite ce titre plus longtemps que personne avant lui. Pour sa première défense de ceinture (en février 2007), l’UFC lui oppose Travis Lutter, dernier vainqueur du « TUF », qui était encore à l’époque un vivier de combattants populaires via l’exposition médiatique de l’émission. Un combat qui sera finalement sans enjeu pour le titre, Lutter échouant à la pesée la veille. Mais pour la première fois, le brésilien sera mis en danger, notamment par des phases de « Ground and Pound » qui auraient pu causer sa perte. Il n’en sera finalement rien.

 

Vient ensuite Nate Marquardt, en juillet 2007. Adversaire complet, jeune, qui monte, puissant, résistant, lutteur… Tant d’arguments que nous entendrons souvent par la suite. Silva n’en fera pourtant qu’une bouchée, dans tous les compartiments (Striking ou Grappling).

 

Une revanche est alors accordée à Rich Franklin en octobre 2007. L’américain a depuis la perte de son titre enchainé 2 victoires, dont une face à Yushin Okami, dernier homme à avoir battu Silva (au sein d’une ligue mineure). L’ancien champion est sur un 9-1 à ses 10 derniers combats, l’affrontement est donc légitime malgré la punition subie au premier affrontement. La vidéo vous parlera d’elle même sur le résultat.

 

Vient alors un autre combattant de renom, en mars 2008: Dan Henderson. Ce dernier avait réussi à battre le monstre du PRIDE FC chez les mi-lourds (Wanderlei Silva) mais avait échoué a réunifier les deux ceintures PRIDE/UFC face Rampage Jackson. De ce fait, il décide de descendre chez les poids moyens pour affronter Silva, son statut de star le lui permettant. Henderson est un puncheur/lutteur de haut niveau, un très gros morceau. Une fois de plus, la vidéo parlera plus que les mots.

 

Anderson Silva est alors sur trois défenses du titre des poids moyens. Ayant peu de concurrents dans sa division, il accepte un combat chez les mi-lourds en attendant qu’un aspirant se dessine clairement. Ce combat sera contre James Irvin en juillet 2008, quatre mois après sa dernière apparition dans l’octogone. Un pari qui pouvait sembler risqué sur le papier. Et pourtant… Irvin sera par la suite contrôlé positif à un produit dopant.

 

Trois mois plus tard, toujours en 2008, le robuste québécois Patrick Côté est légitime pour un combat de championnat face au brésilien. Gros puncheur mais limité techniquement, les bookmakers ne lui donnent pas beaucoup de chances. Il se blessera malheureusement tout seul durant le combat, cette victoire de Silva n’étant pas à mettre en valeur dans son panthéon (pour voir la vidéo, c’est ici). C’est à ce moment-là que le célèbre site internet Sherdog.com lui attribuera ironiquement le surnom de « Spider », peut-être par sa propension à blesser ses adversaires, même à distance…

En avril 2009, Anderson affronte un nouvel adversaire. Thales Leites est alors sur 5 victoires de rang dans l’organisation, la plupart par soumission… Pour la première fois, Silva ne parvient pas à finir son adversaire, bien qu’il domine les débats et obtienne une victoire par décision unanime. Mais le combat sera largement hué par le public et qualifié « d’ennuyant » par le président Dana White en personne.

C’est alors que va se produire l’un des faits les plus marquants de sa carrière (et probablement de l’histoire du sport). Anderson Silva et le champion des poids mi-lourds Rashad Evans souhaitent s’affronter. Mais les négociations avec le promoteur n’iront pas dans le bon sens, l’UFC exigeant de Silva qu’il abandonne son titre des poids moyens pour obtenir ce combat. En guise de compensation, on lui propose d’affronter le numéro un des mi-lourds Forest Griffin. L’américain venait de perdre son titre contre Evans et était donc un adversaire de renom. Le combat se déroule le 8 aout 2009 et est encore aujourd’hui considéré comme l’une des pires humiliations jamais vues dans un combat de MMA. D’autant plus que Griffin sera testé positif à un produit dopant juste après le combat.

 

Le 10 avril 2010, Silva revient dans sa division habituelle pour défendre son titre face à un spécialiste du JJB, Demian Maia. Le combat se déroule lors de l’UFC 112, premier gala produit par l’organisation à Abu Dhabi. Les attentes de la compagnie sont hautes et si le résultat comptable sera satisfaisant, le côté sportif le sera beaucoup moins. Silva l’emporte finalement par une décision unanime sans panache, les deux hommes ne s’investissant que très peu dans les échanges, étant même plusieurs fois réprimandés par l’arbitre pour leur manque d’activité. Le champion ira même jusqu’à s’excuser auprès des fans lors de la conférence de presse qui suivra le combat.

Quatre mois plus tard, le brésilien a l’occasion de se rattraper par le combat face à Chael Sonnen. L’américain, roi du « trash talking » de l’époque, ne cessera de provoquer publiquement le champion dans la presse jusqu’à l’affrontement en aout 2010. Et ses qualités de lutteur vont crédibiliser ses paroles tant le combat ira à sens unique. Silva est dominé de bout en bout par la lutte de son adversaire, devant une foule en délire de voir l’invincible se faire marteler de coups au sol. Jusqu’à ce que dans le dernier round, le brésilien parvienne à placer un étranglement en triangle qui poussera Sonnen à abandonner, bien qu’il ait toujours nié avoir fait un quelconque signe de soumission. À noter que l’américain sera le troisième combattant suspendu pour dopage à la suite d’un combat face au champion (avec un taux de testostérone 14 fois supérieur à la normale). 

 

Désormais superstar, les combats d’Anderson Silva vont à chaque fois susciter de nouvelles attentes hors normes. Il fait partie des trois combattants les plus rentables de la ligue avec Brock Lesnar et Georges St-Pierre. Pour son combat suivant, l’UFC lui oppose une autre star en la personne de Vitor Belfort. L’ancien champion des poids mi-lourds avait quitté l’UFC en 2005, connaissant par la suite une période compliquée, jonchée de défaites et de contre-performances. Depuis quelques années cependant, son retour en grâce semblait bel et bien s’opérer, lui permettant de réintégrer l’UFC et de battre à son tour Rich Franklin dès son retour. Nous sommes alors en février 2011, et Silva va réaliser l’un des plus beaux gestes jamais vu dans l’octogone encore à ce jour.

 

Au mois d’aout 2011, l’UFC lui offre l’occasion d’affronter le dernier homme à l’avoir battu, toutes proportions gardées. En effet, en janvier 2006, le japonais Yushin Okami s’était imposé face au brésilien lors du premier tour du tournoi organisé par la promotion Rumble on the Rock. Une défaite qui était en fait une disqualification, « The Spider » ayant porté un coup illégal lui coutant le combat. Les deux hommes se retrouvent donc plus de cinq ans plus tard et le résultat sera cette fois-ci bien différent…

 

Après plusieurs mois de pause, le champion remet en jeu son titre pour la dixième fois en accordant un combat revanche à Chael Sonnen. L’américain obtient ce combat suite à la polémique qu’il avait lancée après leur précédent affrontement, prétextant une erreur de l’arbitre quant à l’arrêt du combat par soumission. Ayant purgé sa suspension et étant depuis sur 2 victoires importantes, l’affrontement est signé avec une belle promesse commerciale. Si le premier round ressemble au premier combat, Silva ne laissera pas son adversaire s’exprimer dans le second et remportera le combat par TKO dès ce round-là. 

 

On ne le sait pas encore, mais cette dixième défense de titre consécutive sera sa dernière. Un record qui n’a aujourd’hui été dépassé qu’ a une seule reprise et qui semble bien faire partie des meilleures marques que nous vivrons dans les années à venir. Mais avant la fin de son règne, la brésilien fera un nouveau combat chez les mi-lourds face à Stephan Bonnar, trois mois après avoir battu Sonnen. Le combat sans un grand enjeu sportif se déroulera sur sa terre natale et verra Silva devenir le premier homme à infliger un KO/TKO à l’américain.

 

Après 16 victoires consécutives à l’UFC (record qui n’a toujours pas été battu), le brésilien finira par s’effondrer par KO face à Chris Weidman en juillet 2013, à l’âge de 38 ans. Comme dit en préambule, l’ancien champion a depuis enchainé les blessures, les défaites ou contre-performances, deux suspensions pour dopage, et plusieurs controverses. Cette fin de carrière décevante ne doit cependant pas faire oublier l’incroyable domination du brésilien à son époque, jusqu’à un âge avancé pour un sportif. Sans compter qu’à aujourd’hui, ce règne reste le plus long jamais établi dans l’histoire de l’UFC.

Aujourd’hui âgé de 45 ans, et avec ses derniers résultats, il est clair que le combat de samedi soir n’aura que peu d’enjeu sportif. Mais il sera certainement le moment de dire au revoir à l’un des plus grands que le sport ait connu. Et en ça, nous pouvons déjà l’en remercier par avance. Donc merci Mr Silva pour toutes ces années d’émotions, de surprises, d’admirations, et pour tous les sacrifices que cette carrière vous aura coutée en nous satisfaisant nous, le public.

Ciao l’artiste…

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